Une mauvaise herbe aux fleurs jaunes qui détruit le foie des équidés, ça existe ? Eh bien oui : c’est le séneçon ! Concentrée en molécules hépatotoxiques, cette plante est un véritable poison. Et si son diagnostic est délicat à poser au vu des signes cliniques peu spécifiques et du temps de latence particulièrement long, il n’en reste pas moins que l’intoxication au séneçon chez les chevaux est préoccupante quand on sait que le taux de mortalité s’élève à 60 % si elle n’est pas prise à temps. Alors rien de mieux que la prévention ! C’est ce que l’on vous propose avec cet article complet sur le sujet.
Comment reconnaître le séneçon ?
Appartenant à la même famille que le pissenlit, les composées ou Asteraceae pour les latinistes, le séneçon est lui aussi considéré comme une mauvaise herbe. Il en existe trois variétés dans nos contrées : le séneçon commun (Senecio vulgaris), le séneçon de Jacob (Jacobaea vulgaris) et le séneçon du Cap (Senecio inaequidens). Chacune possède ses propres caractéristiques spécifiques, mais elles restent malgré tout similaires sur plusieurs points qui vous permettront de les reconnaître facilement :
- Les fleurs sont totalement jaunes, regroupées en capitules de forme cylindrique ou en forme de corymbe (une sorte d’éventail) suivant l’espèce.
- Les feuilles peuvent être plus ou moins duveteuses selon la variété, mais elles sont toujours très découpées.
- Les tiges sont ramifiées et peuvent atteindre jusqu’à 120 cm, même si la majorité culmine à une petite vingtaine de centimètres du sol.
- Les fruits ressemblent à celui du pissenlit, et se dispersent donc avec une très grande facilité grâce au vent, rendant le séneçon particulièrement invasif au printemps et durant l’été.
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Le milieu de vie du séneçon
Le séneçon est particulièrement résistant : il supporte aussi bien les canicules et les périodes de sécheresse que les hivers rigoureux. C’est pour cette raison qu’on le retrouve aux quatre coins de l’Hexagone !
Cette plante dangereuse pour les chevaux est partout : le long des voies ferrées, sur le bord des routes, dans les champs de culture, mais également en montagne dans les falaises ou les anfractuosités des rochers, ou en bord mer. S’il prolifère dans le pourtour méditerranéen, il inquiète à présent dans le bassin de la Loire, le Grand Sud-Ouest, l’Alsace, la Champagne et la Bourgogne. La faute au dérèglement climatique ? Les études le sous-entendent.
Suivant la variété, le séneçon a malgré tout son habitat de prédilection :
- Le séneçon commun aime surtout nos espaces verts, même si la majorité des jardiniers et paysagistes le considère comme une mauvaise herbe et l’arrache. Les études démontrent qu’il est rarement le responsable des intoxications de chevaux.
- Le séneçon de Jacob préfère s’installer dans les talus, les zones de friche ou encore les prairies les plus sèches.
- Le séneçon du Cap, quant à lui, pullule littéralement partout. C’est d’ailleurs la seule espèce non endémique : elle nous vient, comme son nom l’indique d’Afrique, et commence à poser problème pour notre biodiversité.
Les parties et composants toxiques du séneçon
Tiges, feuilles, fleurs, fruits… Toutes les parties du séneçon sont dangereuses pour le cheval. Et ce sont notamment les jeunes pousses qui sont les plus redoutables, car les plus concentrées en toxines. Si son goût amer éloigne en temps normal nos compagnons à quatre pattes, en cas de disette forcée ou de sécheresse au pâturage, il devient plus attractif pour les équidés qui broutent alors fleurs et feuilles pour se sustenter.
Il en va de même lorsqu’il se mêle au foin : une fois sec, le séneçon perd son amertume. C’est d’ailleurs la cause de la majorité des intoxications au séneçon chez les chevaux.
Mais concrètement, que se passe-t-il ? Cette jolie plante aux fleurs jaunes regorge d’alcaloïdes pyrrolizidiniques, des molécules hépatotoxiques qui provoquent de graves lésions au niveau du foie. La teneur en AP dépend de multiples facteurs, dont la variété (le séneçon commun est ainsi moins toxique que le séneçon de Jacob et le séneçon du Cap), mais aussi le climat du sol (température, humidité, etc.).
Bon à savoir : tous les chevaux n’ont pas la même sensibilité aux alcaloïdes pyrrolizidiniques. Certains pourront être beaucoup plus affectés que d’autres, avec des symptômes beaucoup plus graves, alors qu’ils vivent tous dans un pré envahi de séneçons.
Les symptômes d’une intoxication au séneçon chez le cheval
Selon l’exposition de votre cheval au séneçon, l’intoxication peut être de deux types : chronique (la plus commune) ou aigüe (la plus rare). C’est ensuite la quantité ingurgitée qui va intensifier plus ou moins les symptômes.
L’intoxication chronique survient après une consommation régulière de petites quantités de séneçon (quelques dizaines de grammes par jour) sur plusieurs semaines ou mois. Petit à petit, les alcaloïdes pyrrolizidiniques s’accumulent dans le foie, sans qu’aucun signe clinique ne donne l’alerte : l’équidé parait en bonne santé. Les symptômes apparaissent soudainement :
- une perte de poids sans perte d’appétit (c’est le principal motif de consultation et un des symptômes les plus fréquemment décrits) ;
- un isolement et une léthargie prononcés (le cheval semble abattu, tête basse et seul, loin de ses congénères de pré) ;
- des coliques récidivantes avec épisodes de diarrhées et/ou constipation ;
- des muqueuses jaunâtres (également appelé ictère, mais attention, ce n’est pas un signe clinique spécifique à l’intoxication au séneçon ou une lésion du foie : certaines anémies le provoquent aussi) ;
- une sensibilité anormale de la peau au soleil (c’est la photosensibilisation qui débute classiquement par un œdème au niveau du bout du nez et des lèvres avant de s’amplifier jusqu’à des réactions allergiques graves).
Au stade avancé de l’intoxication, le foie est tellement touché par les molécules hépatotoxiques qu’il ne peut plus détoxifier l’organisme du cheval entraînant une surdose d’ammoniaque. C’est la dernière phase de l’empoisonnement caractérisée par des troubles nerveux graves et une dégradation brutale de l’état de santé.
Dans de rares cas, certains équidés consomment une quantité importante de séneçon et souffrent d’une intoxication aigüe, intoxication qui mène rapidement à la mort. Mais rassurez-vous, on parle tout de même d’une ingestion de l’ordre de 3 % à 5 % du poids du cheval, soit 15 kg à 25 kg de séneçon ! Dans cette situation, les troubles nerveux (ataxie, alternance de phases d’excitation et d’abattement, etc.) et les symptômes digestifs (coliques, perte d’appétit, soif excessive, etc.) sont légion et doivent faire l’objet d’un rendez-vous en urgence avec le vétérinaire.
Que ce soit dans le cas d’une intoxication chronique ou aigüe, il est toujours délicat de poser le diagnostic avec certitude. Et pour cause, les symptômes sont divers et variés, sans signe spécifique lié au séneçon. Ajoutons à cela un temps de latence pouvant atteindre plusieurs mois entre le moment où le cheval ingère la plante et celui où son état de santé se dégrade, mais aussi le fait qu’au sein d’un même paddock ou d’un même pré, certains ne sont pas malades et c’est l’errance diagnostique ! D’où l’importance d’avoir une bonne assurance santé pour votre cheval !
Réagir en cas d’intoxication au séneçon
À l’heure actuelle, aucun médicament n’existe pour soigner l’empoisonnement au séneçon chez les chevaux. Les vétérinaires mettent généralement en place un traitement palliatif dont la mission est de soutenir le foie dans son rôle de détoxication de l’organisme et d’empêcher l’accumulation d’ammoniaque :
- Des hépatoprotecteurs (des médicaments qui drainent, détoxifient, purifient et renforcent certains métabolismes) sont administrés.
- Les rations sont adaptées : riches en glucides (mélasse, pulpe de betterave, etc.) et pauvres en protéines (sa métabolisation génère un pic d’ammoniaque), fractionnées en 4 à 6 repas par jour.
- Le cheval est mis au repos afin de lui éviter tout stress.
Dans le même temps, un traitement symptomatique est préconisé, dans le but d’enrayer les différents signes cliniques et ainsi soulager l’équidé. Cela passe par :
- une fluidothérapie pour maintenir l’hydratation du cheval ;
- des anti-inflammatoires pour diminuer l’inflammation et calmer la douleur ;
- des antibiotiques pour limiter la quantité d’ammonique par les bactéries logées dans les intestins.
Bon à savoir : ces traitements sont particulièrement efficaces si le cheval ne présente aucun signe nerveux. La plupart des équidés s’en sortent d’ailleurs sans aucune séquelle. Il faut donc être réactif et ne pas hésiter à contacter le vétérinaire en cas de doute. Votre assurance cheval se chargera de diminuer la facture… car dans le cas contraire, le pronostic est sombre et le taux de mortalité s’élève à 60 %.
Prévenir l’ingestion du séneçon
Contre le séneçon, une solution : la prévention ! Il faut éviter à tout prix la prolifération de ces jolies fleurs jaunes dans les prés, paddocks, prairies destinées à la fauche et abords des écuries. Généralement, et comme pour toutes les mauvaises herbes, vous pouvez :
- communiquer un maximum sur les dangers de cette plante auprès des propriétaires et cavaliers de votre infrastructure ;
- éviter le surpâturage (pas trop de chevaux dans une seule et même parcelle) ;
- augmenter le temps de repos des paddocks et prés ;
- proposer du foin dès que le pré s’appauvrit afin d’éviter que les chevaux ne se tournent vers le séneçon par dépit ;
- mettre en place un pâturage tournant (pour une pousse d’herbe bien fournie qui ne laissera pas la place au séneçon) et/ou un pâturage mixte avec d’autres espèces herbivores.
Vous avez remarqué quelques pousses dans vos prairies ? Aucune pitié : vous pouvez les arracher à la main ! Il faut cependant prendre à garde à :
- ne pas les brûler (leur fumée est toxique) ;
- ne pas les jeter sur un tas de fumier pour éviter qu’elles ne se disséminent lors de l’épandage ;
- les éliminer au stade de jeune plantule ou floraison (avant l’apparition des fruits et des graines !).
En revanche, si votre pré est déjà envahi, il faudra se tourner vers des produits chimiques et des professionnels agréés pour les manipuler !
Sources :
Thèse « Intoxications du cheval par les séneçons » par Blanche, Laure Passemard de l’École nationale vétérinaire de Toulouse — 2005
« Le séneçon : plante toxique » par Laëtitia Marnay (Ifce) pour la FCC — Fédération des conseils des chevaux