La diarrhée chez le poulain

Vétérinaire examinant un cheval

Motif de consultation le plus fréquent chez le poulain, la diarrhée touche près de 80 % des petits équidés dans les 6 premiers mois de vie. Si dans la très grande majorité, ces selles liquides et aqueuses sont bénignes et transitoires, dans certains cas, elles peuvent être le symptôme d’une infection bactérienne, parasitaire ou virale. Et parce que les conséquences sur la santé de l’animal peuvent être désastreuses si rien n’est fait, mieux vaut prévenir que guérir (et guérir, le cas échéant). Dans cet article complet sur le sujet, nous allons donc faire un tour d’horizon des différentes causes de la diarrhée du poulain en passant par les premiers soins à apporter, les tests et examens à faire réaliser par son vétérinaire et surtout les bons réflexes à avoir pour éviter ce fléau.

Les causes de la diarrhée du poulain

Avant de commencer, il est important de savoir que la diarrhée n’est pas une maladie en soi : c’est un symptôme. Et suivant ce qui la provoque, les traitements, mais aussi le pronostic, sont différents.

Les diarrhées infectieuses

Certaines diarrhées chez le poulain sont dites infectieuses, en d’autres termes, résultant de la présence d’un virus, d’une bactérie ou d’un parasite agressif.

Ainsi, parmi les principaux coupables, nous trouverons :

  • Le rotavirus : ce virus est responsable de la majorité des diarrhées infectieuses… Et pour cause, particulièrement résistant, il peut élire domicile dans l’environnement pendant de très longues semaines (jusqu’à toucher la saison suivante de poulinage) et est très contagieux. Sa cible : les individus les plus fragiles, autrement dit les poulains de moins de 3 mois. Au-delà de la diarrhée, les autres symptômes de l’infection sont peu spécifiques : perte d’appétit, fièvre intermittente, torpeur, etc.
  • Escherichia coli : plus connue sous son petit nom E. coli, cette bactérie entraîne également fièvre, abattement, anorexie. Elle est, comme toutes les diarrhées causées par des bactéries, moins fréquente que celles liées au virus.
  • Les salmonelles : ces microscopiques organismes déclenchent des diarrhées parfois hémorragiques (avec présence de sang dans les selles), souvent mortelles, car associées à une septicémie (= une infection généralisée de tout l’organisme de l’animal). Une véritable urgence vétérinaire !
  • Le Rhodococcus equi : nous vous en parlions dans notre article dédié au sujet, mais sachez que cette bactérie redoutable, bien que présentant plus communément des symptômes respiratoires graves, peut aussi se manifester par une diarrhée.
  • Les ascaris (Parascaris spp) : principaux parasites responsables de la diarrhée chez les jeunes chevaux, ils peuvent provoquer une occlusion intestinale en cas de colonisation massive.

D’autres agents pathogènes peuvent, plus rarement, entraîner des selles liquides :

  • le coronavirus ;
  • l’adénovirus ;
  • les clostridiums ;
  • les Lawsonia ;
  • les Strongyloïdes westeri ;
  • les parasites protozoaires Cryptosporidium ;
  • le Giardia.

Les diarrhées non infectieuses

Du côté des diarrhées qui ne sont pas causées à la présence de virus et autres organismes microscopiques et proliférateurs, on retrouve des phénomènes biologiques particuliers :

  • Les diarrhées de « chaleur de lait » : contrairement à ce que leur nom laisse imaginer, elles n’ont aucun lien avec les chaleurs de la poulinière… mais arrivent simplement à ce moment-là, c’est-à-dire vers la première semaine de vie du petit équidé. Elles seraient en réalité dues à l’immaturité de la flore intestinale du poulain. Totalement bénignes, elles disparaissent en quelques jours.
  • La suralimentation du poulain : un lait trop riche, trop gras ou trop concentré, absorbé avec trop d’enthousiasme (après avoir été séparé de sa mère par exemple)… Ça en est trop pour l’estomac et les intestins du petit qui ne parviennent pas à maintenir un transit normal.
  • L’intolérance au lactose : comme les humains, les poulains peuvent présenter un déficit en lactase. Le lactose, non transformé par cette dernière, se retrouve au niveau de l’intestin où il fermente et entraîne (notamment, mais que !) des diarrhées.
  • Les ulcères gastriques : ces destructions plus ou moins profondes de la muqueuse de l’estomac provoquent selles liquides, coliques, mais également bruxisme (grincements des dents).

Bon à savoir : les antibiotiques ou le stress peuvent aussi être responsables de diarrhées. En effet, ils causent un déséquilibre de la flore bactérienne du poulain.

Les symptômes de la diarrhée du poulain

Par diarrhée, nous entendons expulsion de selles liquides à une fréquence élevée. Au niveau physiologique, ces émissions de crottins sous forme aqueuse s’expliquent notamment par une inflammation de la paroi intestinale. Celle-ci entraîne une perméabilité exacerbée de l’intestin, laissant place à une entrée d’eau beaucoup plus importante qu’en temps normal.

Généralement, la diarrhée n’est pas un symptôme isolé. D’autres s’y ajoutent comme :

  • un état d’abattement (poulain qui ne joue plus, qui ne « fait pas de manières », etc.) ;
  • une perte d’appétit (poulain qui ne tète plus ou moins fréquemment) ;
  • une forte salivation ;
  • une déshydratation (liée à la perte d’eau trop importante) ;
  • des signes de coliques ;
  • de la fièvre (mais l’hypothermie est beaucoup plus alarmante, surtout lorsqu’elle suit un épisode de fièvre).

Traiter la diarrhée chez le poulain

La diarrhée n’étant que l’arbre qui cache la forêt, le champ d’action est multiple : il faut tout autant soulager le symptôme, traquer son responsable pour utiliser le traitement adéquat et endiguer la contamination dans vos écuries.

Les premiers soins à apporter

Dès les premiers signes de diarrhée chez un poulain, mieux vaut partir du principe qu’il s’agit d’une diarrhée d’origine infectieuse, prévention oblige, et mettre en place très rapidement des mesures d’hygiène strictes :

  • isolement du poulain malade avec sa mère afin d’éviter les contacts avec d’autres petits ;
  • principe de la « marche avant », c’est-à-dire toujours s’occuper du malade en dernier pour ne pas « transporter » les bactéries, parasites ou virus dans les autres box ou paddocks ;
  • utilisation de matériel à usage unique pour les soins et l’entretien du box (gants, sur-bottes, thermomètre, etc.) ;
  • désinfection des mains, des bottes et du matériel après visite au poulain malade.

Ces recommandations permettent déjà de limiter un maximum la transmission de la diarrhée dans les infrastructures.

Concernant le poulain, il est important de savoir si l’intervention d’un vétérinaire est urgente. Pour ce faire, vous pouvez réaliser un premier examen. Voici quelques observations qui doivent vous faire décrocher au plus vite votre téléphone :

  • poulain déshydraté (test du pli de peau, yeux enfoncés dans les orbites) ;
  • poulain abattu, qui ne joue pas, qui ne « fait pas de manière » ;
  • poulain qui ne tète plus et qui maigrit ;
  • diarrhée qui dure plus de 7 jours ;
  • présence de sang ou d’ascaris (des vers) dans les selles ;
  • épisode de fièvre (plus de 38,5 °C) et d’autant plus si cet épisode est suivi d’une hypothermie (en dessous de 36 °C) ;
  • muqueuses foncées (normalement, elles sont roses).

Bien évidemment, au moindre doute, appelez votre vétérinaire : il pourra vous dire si une visite est nécessaire.

En l’attendant, vous pouvez d’ores et déjà réaliser les premiers soins :

  • Faire boire votre poulain : cela peut sembler contre-intuitif puisque le petit équidé se « vide », mais il est primordial de contrer la déshydratation, particulièrement dangereuse, en changeant très régulièrement l’eau, voire en réhydrater l’animal directement à la seringue.
  • Donner des probiotiques à votre poulain : ils permettraient de rééquilibrer la flore intestinale ou en tout cas, de limiter la multiplication des bactéries pathogènes.
  • Administrer des pansements gastro-intestinaux : ces médicaments sont généralement accessibles sans ordonnance, pensez donc à les avoir toujours dans votre pharmacie. Ils protégeraient la muqueuse intestinale.

Important : dans tous les cas, ne donnez aucun autre traitement (antibiotiques par exemple) sans l’avis de votre vétérinaire !

L’examen clinique du vétérinaire

Si le vétérinaire peut, après examen du poulain, déterminer la gravité de la diarrhée, en revanche, pour découvrir la cause de ce symptôme et poser le diagnostic avec certitude, il faut passer par des investigations complémentaires : la prise de sang et l’analyse des crottins. D’où l’importance d’avoir une bonne assurance santé pour votre poulain, car les frais vétérinaires peuvent rapidement grimper !

La prise de sang permet notamment de quantifier la déshydratation et l’inflammation intestinale de l’équidé, tout en éliminant ou en affirmant la présence d’un agent pathogène.

L’analyse des selles, quant à elle, permet de rechercher la présence de parasites, de virus et de bactérie et, en cas de résultat positif, de trouver l’antibiotique ou le traitement le plus adapté et le plus efficace.

Une fois le diagnostic posé, le vétérinaire mettra en place deux traitements conjoints.

Le traitement symptomatique est là pour lutter contre la diarrhée :

  • fluidothérapie (perfusion de solution de réhydratation) ;
  • supplémentation nutritive en cas de perte de poids ;
  • pansements gastro-intestinaux ;
  • probiotiques ;
  • plasmathérapie (pour booster le système immunitaire).

Le traitement spécifique, lui, dépend de l’origine de ladite diarrhée :

  • S’il s’agit d’un virus : aucun traitement n’existe. Pour rappel, les antibiotiques n’ont aucun effet sur ces organismes.
  • S’il s’agit d’une bactérie : protocole antibiotique. À respecter scrupuleusement jusqu’à la fin du traitement, et ce, même si le poulain semble aller beaucoup mieux.
  • S’il s’agit d’un parasite : vermifuge adapté.
  • S’il s’agit d’un ulcère gastrique : traitement antiacide.

Prévenir l’apparition des diarrhées

Comme pour toute maladie chez le poulain, il est toujours préférable de prévenir plutôt que de guérir. Aussi voici quelques conseils.

La prévention par la production d’anticorps des poulinières

Booster les anticorps des poulinières, c’est vous assurer qu’elles transmettront des défenses immunitaires solides à leur petit.

Cela peut passer par plusieurs mesures :

  • Installer les juments dans leur environnement de poulinage un mois avant la naissance pour qu’elles puissent s’acclimater.
  • Vacciner les poulinières en fin de gestation (8e, 9e et 10e mois) contre les rotavirus.
  • Favoriser la prise de colostrum (le lait épais contenant un concentré d’anticorps) par le nouveau-né le plus tôt possible après la mise bas pour se garantir du bon transfert d’immunité entre la mère et son petit.
  • Évaluer la qualité dudit colostrum grâce à un colotest (et en cas de mauvais résultat, opter pour une banque de colostrum).
  • Faire effectuer un dosage des anticorps chez le poulain entre 12 h et 48 h après la naissance (et en cas de mauvais résultat, réaliser une plasmathérapie).
  • Conserver au congélateur une partie du colostrum de très bonne qualité d’une jument afin d’avoir sa propre banque de colostrum.

La prévention sanitaire

Autre angle d’attaque contre la diarrhée chez le poulain et surtout, les épidémies à l’intérieur des infrastructures équestres : les mesures sanitaires de l’environnement !

Commençons par l’essentiel : le nettoyage des box. Celui-ci se fait en deux temps : 2 fois par semaine, on retire les crottins et 1 fois par semaine, on cure totalement le box.   Pour le nettoyage complet du box, l’utilisation d’un jet d’eau à haute pression et à haute température (120 °C) est le plus efficace… À condition de ne pas oublier d’asperger murs, mangeoire et abreuvoir ! L’usage d’un désinfectant est aussi un inconditionnel. Chaque produit possède ses propres caractéristiques et est plus ou moins redoutable contre certains virus et bactéries.

De manière générale, chaque duo poulinière-poulain doit avoir son box, bien ventilé et propre. Il faut vraiment se garder de les faire tourner auprès de différentes juments/petits.

Enfin, avant la première tétée, nettoyez soigneusement la mamelle de la jument : cela permettra d’éviter la transmission d’éventuels virus ou bactéries au moment où le nouveau-né est le plus fragile. Et pensez bien évidemment à vermifuger régulièrement les petits équidés (et leur mère !) à partir de 2 mois !

L’importance du protocole de surveillance des diarrhées du poulain du RESPE

Le RESPE ou Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine, est une association qui, comme son nom l’indique, surveille les maladies rencontrées chez les chevaux afin d’endiguer les épidémies.

Parmi ses nombreux dispositifs, le protocole de surveillance des diarrhées du poulain nous intéresse particulièrement dans le cadre de cet article. Et pour cause, dans cette situation, 60 % des coûts d’analyse sont pris en charge par l’organisme.

Concrètement, si vous faites appel à un « vétérinaire sentinelle » bénévole de l’association, ce dernier va déclarer votre poulain comme cas suspect auprès du RESPE. Il réalisera ensuite un prélèvement de crottins et l’enverra en laboratoire pour analyse. Les recherches se focalisent sur plusieurs virus et bactéries :

  • Pour un poulain de moins de 6 mois : présence d’E. coli, rotavirus, coronavirus ou salmonelles.
  • Pour un poulain entre 6 mois et 12 mois : présence d’E. coli, Clostridium, salmonelles et Lawsonia.

Selon les résultats, un traitement spécifique pourra ensuite être proposé et s’il s’agit d’un début d’épidémie, des mesures d’information permettent de limiter la contamination à travers la France.

Les complications possibles de la diarrhée du poulain

L’un des plus graves dangers de la diarrhée, c’est la déshydratation. Elle provoque un dépérissement des électrolytes vitaux qui assurent le bon fonctionnement du corps (que ce soit chez les équidés, mais aussi chez les humains) et peut mener jusqu’au décès du poulain si rien n’est fait pour y remédier.

Un transit trop rapide empêche également les nutriments d’être absorbés dans l’organisme. Une perte de poids, une mauvaise croissance et une faiblesse généralisée sont autant d’autres complications liées à la diarrhée.

Enfin, il y a les coliques, qui peuvent être fatales chez les chevaux, et la baisse des défenses immunitaires, qui rend les poulains plus fragiles face aux agents pathogènes (virus, bactéries, parasites) et qui peut, par rebond, entraîner de graves séquelles ou être mortelle.

Zoom sur une étude sur la diarrhée chez le poulain

Entre 2003 et 2008, Frederick J., Giguère S. et Sanchez L.C. ont mené une étude sur 233 poulains atteints de diarrhée. Voici quelques chiffres qui en sont ressortis :

  • 55 % des animaux ont été infectés par un agent pathogène (virus, bactérie, parasite).
  • C’est le rotavirus qui caracole en tête avec 20 % des infections.
  • Du côté des bactéries, la salmonelle est responsable de 12 % des malades.
  • Les parasites ne représentent que 7 % des cas.
  • 87 % des poulains ont survécu.
  • Mais dans les 13 % restants, 80 % ont dû être euthanasiés.

Mais s’il ne fallait retenir qu’une chose… Le taux de survie des poulains atteints de diarrhée infectieuse dépend de l’agent pathogène, mais reste, heureusement très élevé : entre 80 % et 95 %.

C’est pour cette raison qu’il est crucial de faire réaliser les examens complémentaires permettant au vétérinaire de poser avec certitude son diagnostic et d’adapter le traitement. Bien sûr, cela a un coût, et c’est pourquoi une assurance poulain est indispensable.

Sources :

Thèse « État des lieux des affections des poulains arrivant à la Clinequine entre 3 semaines et 1 an d’âge entre 2016 et 2020 » de Mathilde Hervieu — Campus Vétérinaire de Lyon

Frederick J., Giguère S., Sanchez L.C. (2009). Infectious agents detected in the feces of diarrheic foals : a restrospective study of 233 cases (2003- 2008). J. Vet. Intern. Med., 23, 1254-1260

RESPE (Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine) – « Surveillance des diarrhées du poulain, comment ça se passe concrètement ? »

RESPE (Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine) — Fiche « Les diarrhées du poulain »