Sous ses faux airs de pissenlit, la porcelle enracinée est plus dangereuse qu’il y parait pour les chevaux. Et pour cause, elle est responsable (en partie) d’une maladie neurologique redoutable : le syndrome de Harper australien. Alors, comment reconnaître cette mauvaise herbe au milieu des prés ? Quels signes d’intoxication doivent vous alerter ? Et quels sont les protocoles de soin actuellement préconisés par les vétérinaires en France ? Nous vous dévoilons tout dans cet article.
Reconnaître la porcelle enracinée
La porcelle enracinée, ou Hypochaeris radicata pour les botanistes latinistes, est une mauvaise herbe appartenant à la famille des astéracées. Et c’est bien simple : elle ressemble à s’y méprendre au pissenlit. Au point où elle est parfois vendue sur certains marchés locaux, car moins amère et plus délicate en goût… Pourtant, si le pissenlit est totalement inoffensif pour les équidés, ce n’est pas le cas pour la porcelle enracinée comme nous le verrons un peu plus loin dans cet article. Il est donc essentiel de savoir distinguer ces deux espèces :
- Zoom sur les feuilles : alors que les feuilles du pissenlit rappellent des « dents de lion », celles de la porcelle enracinée sont bien plus épaisses, poilues et pointues.
- Zoom sur les tiges : les tiges de la porcelle enracinée sont plus longues et plus robustes que celles du pissenlit.
- Zoom sur les fleurs : si les deux plantes arborent des fleurs jaunes, celles de la porcelle enracinée sont plus plates et moins sphériques que les fleurs globuleuses du pissenlit.
- Zoom sur l’environnement : la porcelle enracinée se développe souvent dans des prairies sèches et peu fertiles, alors que le pissenlit préfère la compagnie d’herbes grasses et riches.
Bon à savoir : vous voulez être certain de faire la différence entre pissenlit et porcelle enracinée ? Coupez la tige : si un liquide blanc laiteux s’en écoule, aucun doute possible : c’est une porcelle enracinée !
Comment les chevaux accèdent-ils à la porcelle enracinée ?
Initialement concentrée dans le sud de la France, la porcelle enracinée a conquis en quelques années (et grâce au réchauffement climatique) tout le pays. On la rencontre ainsi dans de nombreux environnements : pelouses, jardins, prairies, champs, bords de routes, talus, dunes, etc.
Particulièrement robuste, elle survit au plus vigoureux des hivers sous forme de rosette de feuilles au sol pour ensuite refleurir au printemps. Elle s’adapte à tout : même aux sols les plus arides, aux prairies les plus infertiles et aux sécheresses les plus rudes. Et cela grâce à son système racinaire profond. Au premier abord, nos compagnons à 4 pattes la boudent : elle n’est pas spécialement appétente. Ce n’est qu’en l’absence d’autres fourrages que la porcelle enracinée devient dangereuse : les chevaux la goûtent par dépit et en sont littéralement accros.
Alors, c’est bien simple : comme n’importe quelle drogue, mieux vaut ne jamais y toucher ! Or, ce n’est pas si facile : cette mauvaise herbe est partout, lors de promenades, dans les paddocks, aux abords des pensions… Elle peut également être présente dans le foin. La vigilance est de mise !
Les symptômes d’une intoxication à la porcelle enracinée
Si de très nombreux articles publiés actuellement établissent de manière sûre le lien entre porcelle enracinée et syndrome de Harper australien, la réalité est en fait plus nuancée.
En 2003, la France a vu une augmentation des cas de cette affection neurologique, une augmentation qui coïncide avec une canicule qui a favorisé la croissance de la porcelle enracinée. Les chevaux touchés avaient tous brouté dans des zones où cette mauvaise herbe était présente. Bien que le processus précis de toxicité de la porcelle enracinée soit encore mal compris, un lien entre la consommation de la plante et l’apparition de la maladie a été constaté.
À l’heure actuelle, les recherches récentes sont, comme nous vous le disions plus haut, nuancées. A priori, bien cette plante vénéneuse pourrait ne pas être le seul et unique responsable du syndrome de Harper australien chez les chevaux. Bien qu’elle contribue à la maladie, la molécule spécifique à l’origine du syndrome n’a pas encore été identifiée. On sait cependant que cette substance attaque le système nerveux central, provoquant des lésions dégénératives sur les branches de certains nerfs qui régulent les muscles des pattes arrière.
Venons-en à présent aux symptômes de l’empoisonnement à la porcelle enracinée, ou plutôt aux symptômes de ce syndrome de Harper australien puisqu’il s’agit de la conséquence directe de l’ingestion de l’Hypochaeris radicata !
Le syndrome de Harper australien se caractérise par une hyperflexion involontaire des membres postérieurs due à une atteinte neurologique. Généralement, dans les premiers stades de la maladie, les signes peuvent passer inaperçus ou faire penser à d’autres soucis : difficulté à lever le pied, à tourner, à reculer ou à monter dans un van. D’autres signaux d’alerte générale apparaissent ensuite, brouillant les pistes : perte de poids, atrophie musculaire, problèmes respiratoires, anomalies du hennissement et difficultés à avaler en cas d’atteinte neurologique du larynx. Chez certains individus, le stress, l’agitation et l’agressivité (envers les humains et les autres chevaux) viennent s’ajouter à la liste.
Le syndrome de Harper australien se décline en 5 degrés de gravité :
- Degré 1 : le cheval présente une hyperflexion des postérieurs en reculant, tournant ou en situation de stress.
- Degré 2 : l’hyperflexion se manifeste au pas ou au trot et s’intensifie lors de mouvements en arrière, de virages serrés ou lors de la manipulation des pieds.
- Degré 3 : déjà visible au pas et au trot, l’hyperflexion modérée du cheval devient plus évidente lorsqu’il commence à bouger ou s’arrête. Son galop est irrégulier, sans que les membres postérieurs touchent l’abdomen. Il éprouve des difficultés à reculer ou à effectuer des virages.
- Degré 4 : l’hyperflexion devient excessive. À l’arrêt et dans tous les types de déplacements, les postérieurs du cheval frappent son ventre. Il ne peut pas reculer et a du mal à tourner. Cette hyperflexion peut aussi survenir au repos.
- Degré 5 : le cheval se déplace en bondissant tel un lapin, ses postérieurs restant en hyperflexion pour de longues secondes. L’issue peut être fatale sans traitement.
L’errance médicale est souvent de mise, car les professionnels se retrouvent confrontés à une multitude de symptômes qui évoquent diverses maladies et troubles… D’où l’intérêt de bien surveiller l’alimentation et l’environnement de votre cheval, et de savoir repérer la porcelle enracinée !
Que faire en cas d’intoxication à la porcelle enracinée chez un cheval ?
Si le tableau est plutôt sombre, rassurez-vous : la plupart du temps, les équidés se rétablissent spontanément en quelques semaines ou mois une fois retirés de la zone contaminée ! Cependant, il n’en faut pas moins prendre le syndrome de Harper australien au sérieux. En effet, la gravité et l’ancienneté des symptômes peuvent prolonger la période de récupération et augmenter le risque de séquelles permanentes.
Votre premier réflexe : déménager votre compagnon et l’installer dans une nouvelle pâture sans porcelle enracinée !
Votre vétérinaire prendra ensuite le relai et vous proposera plusieurs types d’approches :
- Désintoxication : les perfusions ne sont généralement pas efficaces contre cette intoxication. Un traitement détoxifiant (souvent à base de charbon, voire d’ortie) peut aider à améliorer l’état du cheval, surtout si les symptômes sont détectés tôt. Les antioxydants peuvent aussi être bénéfiques.
- Traitement symptomatique : afin de soulager les symptômes, la phénytoïne, un médicament antiépileptique pour humains, peut être administrée. Des relaxants musculaires et des tranquillisants peuvent également apporter un apaisement temporaire.
- Gestion du stress : le stress aggrave les symptômes, il est donc crucial de maintenir votre compagnon dans un environnement calme pour favoriser sa guérison.
- Chirurgie : une intervention chirurgicale comme la section de l’extenseur latéral des phalanges ou une myoténectomie (ablation d’une partie du muscle extenseur latéral) sont envisageables, car efficaces, mais reste (très) controversée.
Bon à savoir : le seul moyen de diagnostiquer le syndrome de Harper chez les chevaux est l’électromyographie. Mais dans les faits, elle est rarement pratiquée.
Prévenir l’ingestion de la porcelle enracinée
Si la porcelle enracinée n’est pas aussi dangereuse que le laurier-rose, mieux vaut tout de même protéger nos chevaux de ses toxines ! Et pour ce faire, la stratégie la plus radicale reste de détruire purement et simplement cette plante dans les zones de pâturage.
Étant donné que la porcelle enracinée possède un système racinaire robuste, son éradication « à la main » est difficile. Essayez : vous n’aurez dans le poing que quelques vulgaires feuilles tant la plante se niche dans le sol ! L’utilisation d’herbicides ciblés ou le retournement et le ressemis des prairies, particulièrement celles qui sont dégradées, sont des méthodes plus efficaces pour s’en débarrasser.
En tant que propriétaire, c’est bien simple : apprenez à reconnaître la porcelle enracinée (n’hésitez pas à vous servir d’applications mobiles d’identification des plantes pour vous aider) et inspectez soigneusement les prés et paddocks. Et si vous repérez cette mauvaise herbe, éloignez tous les chevaux des zones contaminées. Enfin, évitez comme la peste les terres peu herbées durant les périodes de canicule et/ou de sécheresse : terreau fertile pour la porcelle enracinée et seule plante disponible pour les équidés en disette forcée !