La rhodococcose du poulain : diagnostic, traitement, transmission

Photo d'une jument et son poulain

Depuis 2019, la rhodococcose fait partie du dispositif de surveillance des Maladies du poulain établi par le RESPE (le Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine). Et c’est bien normal : sa virulence et sa dangerosité en font l’ennemi numéro 1 des éleveurs et de tout propriétaire de petit équidé ! Dans cet article, vous saurez tout sur cette affection et sa responsable, la bactérie Rhodococcus equi, les symptômes et le traitement antibiotique à mettre en place, et bien évidemment, les moyens de prévention pour éviter son arrivée dans vos écuries et sa propagation.

La rhodococcose du poulain : qu’est-ce que c’est ?

Cauchemar des éleveurs du fait des hécatombes qu’elle provoque, la rhodococcose est une maladie du poulain particulièrement agressive et contagieuse qui touche les petits équidés entre 3 semaines et 6 mois. Après cet âge, le système immunitaire met à mal la bactérie responsable sans aucune difficulté et les chevaux infestés deviennent de « simples » porteurs sains.

Rhodococcus equi, c’est le nom de ces organismes microscopiques qui sont présents en nombre dans le milieu ambiant, notamment les sols secs et arides, la poussière en suspension dans l’air, mais aussi dans les intestins des chevaux adultes où ils contamineront ensuite les crottins. La majorité des souches ne sont pas pathogènes (c’est-à-dire qu’elles ne sont pas dangereuses et n’attaquent pas l’hôte), mais elles sont difficiles à déloger de l’environnement et survivent longtemps dans les zones tempérées et chaudes. Les UV n’ont ainsi aucun effet sur elles. Seuls de très basses températures et des désinfectants à base de phénol peuvent en venir à bout.

Les symptômes de la rhodococcose du poulain

Plus concrètement, la rhodococcose peut prendre plusieurs formes :

  • La forme respiratoire aiguë : il s’agit de la forme la plus courante qui provoque des abcès au niveau des bronches et/ou des poumons et entraîne, en toute logique, pneumonie ou bronchopneumonie. Elle touche principalement les poulains âgés de moins de 2 mois.
  • La forme intestinale : moins fréquente, elle est aussi moins brutale que la forme respiratoire. Comme son nom l’indique, elle cause des abcès au niveau des intestins et cible surtout les poulains entre 3 et 6 mois.
  • La forme musculo-squelettique : c’est la forme la plus rare, avec des atteintes de l’appareil locomoteur, et notamment des articulations avec le développement d’arthrites.

Bon à savoir : malheureusement, l’incubation étant relativement longue (entre 3 et 6 jours), au moment où vous remarquerez les premiers symptômes, la maladie et les lésions internes, elles, auront déjà fait de gros dégâts dans l’organisme de votre poulain. D’où l’importance de la prévention et de la surveillance des nouveau-nés pour une détection la plus précoce possible !

Voici donc quelques signes qui doivent vous alerter et vous inciter à contacter votre vétérinaire au plus vite, ne serait-ce que par précaution :

  • fièvre (pouvant grimper jusqu’à 41,5 °C) ;
  • toux ;
  • manque d’entrain du poulain, abattement ;
  • ventilation respiratoire (respiration qui s’accélère) ou tachypnée ;
  • essoufflement ou difficulté à respirer (dyspnée), qui peuvent mener à la détresse respiratoire ;
  • perte de poids ;
  • écoulement purulent des naseaux ;
  • diarrhée et symptômes de coliques (de manière plus rare puisqu’il s’agit de la forme intestinale) ;
  • arthrites (de manière encore plus exceptionnelle, car il s’agit de la forme musculo-squelettique).

La rhodococcose du poulain est une affection insidieuse : les signes cliniques peuvent apparaître sporadiquement avant de s’aggraver brutalement et à toute vitesse. Il est important de savoir qu’elle peut entraîner la mort du poulain.

La fenêtre d’action de la bactérie est relativement restreinte car Rhodococcus equi touche en particulier les poulains dès la naissance et jusqu’à leurs 6 mois. La raison en est simple puisque c’est durant cette période que le colostrum (le lait fourni par la jument) contient de moins en moins d’anticorps, alors que le système immunitaire du petit n’est pas encore mature.

Bon à savoir : les nouveau-nés de fin de printemps/début été (juin, juillet) sont plus susceptibles de développer la maladie. Et pour cause, les conditions météorologiques permettent à la bactérie de proliférer.

La transmission de la rhodococcose du poulain

Nous l’avons vu précédemment, Rhodococcus equi contamine les matières fécales et colonise les poussières en suspension dans l’air. La transmission de la rhodococcose se fait donc par la voie respiratoire.

C’est un véritable cercle vicieux : un poulain contracte la maladie en inhalant la bactérie dans le milieu ambiant. Cette dernière va se développer dans les poumons et provoquer une pneumonie et des abcès. Sans traitement, Rhodococcus equi prolifère. La toux va faire remonter les sécrétions de mucus (qui contient du pus, contenant lui-même les bactéries) qui vont être avalées par le petit équidé. Les intestins sont alors touchés de plein fouet et une partie des bactéries sera éliminée dans les crottins. Une fois à l’air libre, c’est de nouveau la débandade et les organismes microscopiques se multiplient à nouveau, prêts à être inhalés par d’autres individus.

Bien évidemment, certaines circonstances aggravent la contagion :

  • les rassemblements d’équidés (d’où la propension plus forte de la rhodococcose dans les grands élevages) ;
  • les déplacements des poulinières ;
  • un environnement insalubre (écuries et sols qui manquent d’aération, qui ne sont pas nettoyés suffisamment régulièrement, etc.).

Et bien sûr, tout dépend de la constitution du poulain !

Diagnostiquer la rhodococcose du poulain

La rhodococcose n’est pas la maladie du poulain la plus facile à diagnostiquer. En effet, les vétérinaires ne peuvent pas se baser sur des symptômes comme la pneumonie, la fièvre, la fatigue, la toux et les écoulements nasaux, tout simplement parce que ces signes ne sont pas spécifiques à cette infection. Par exemple, les pneumonies (qui sont mortelles chez les poulains qu’on se le dise) ont souvent pour responsable une autre bactérie, le streptocoque (S. equi zooepidemicus). Et qui dit autre bactérie, dit traitement différent. Seuls des tests en laboratoire pourront confirmer ou infirmer la présence de Rhodococcus equi.

C’est pour cette raison que les vétérinaires prélèvent des échantillons respiratoires ou articulaires sur le poulain malade avant de les transmettre au laboratoire. Ils peuvent aussi utiliser des tests de sérologie ou de PCR sur ces échantillons, ainsi que sur les excréments.

Une prise de sang n’est pas suffisante pour diagnostiquer une rhodococcose. En effet, les analyses de sang peuvent simplement montrer une inflammation ou une infection, mais elles ne peuvent pas en déterminer la cause exacte.

À l’inverse, les techniques d’imagerie, comme la radiographie et surtout l’échographie pulmonaire, sont très utiles : elles permettent de voir l’étendue des lésions dans les poumons et de décider du traitement à mettre en place. De nouveaux examens seront à prévoir durant et après le protocole de soins afin de s’assurer de son efficacité.

Enfin, en cas de décès d’un poulain, l’identification de Rhodococcus equi par des tests bactériologiques ou PCR peut être possible : le but est alors de confirmer le diagnostic pour prendre les précautions nécessaires et enrayer une éventuelle épidémie dans les écuries.

Les traitements de la rhodococcose du poulain

Pour lutter contre une bactérie, la science n’a rien trouvé de mieux que les vaccins et les antibiotiques. Dans le cas de la rhodococcose, il n’existe aucun vaccin à l’heure actuelle. Ne reste plus alors que l’antibiothérapie, particulièrement longue et coûteuse. D’où l’intérêt d’avoir souscrit une assurance santé pour votre poulain !

En pratique, le traitement de la rhodococcose repose sur plusieurs étapes :

  • Le diagnostic : comme nous l’avons vu dans la partie précédente, il est posé après un examen clinique, une radiographie ou une échographie pulmonaire et des tests de laboratoire.
  • Le choix des poulains à traiter (s’il y en a plusieurs dans le cas d’un élevage par exemple) : les petits sont sélectionnés en fonction de leurs symptômes, des résultats de l’échographie et de leur environnement. Ceux qui semblent peu touchés avec peu de lésions visibles guérissent souvent sans traitement.
  • La mise en place d’un protocole de soins à base d’antibiotiques : les médicaments sont administrés généralement par voie orale. Il s’agit la plupart du temps d’une combinaison de deux antibiotiques : les macrolides et la rifampicine.
  • Le suivi clinique et thérapeutique : le vétérinaire suit l’évolution des symptômes et des lésions pulmonaires grâce à des échographies régulières.
  • L’arrêt du traitement : c’est encore une fois au vétérinaire que revient la décision de stopper le traitement. N’arrêtez jamais le protocole de vous-même, même si le poulain semble aller bien mieux.

En parallèle, des mesures d’hygiène (nettoyage des boxes, humidification des sols, etc.) sont indispensables aux écuries. Nous les détaillerons davantage dans la dernière partie de cet article relative à la prévention.

Bon à savoir : ne donnez jamais d’antibiotiques en « prévention » à un poulain en bonne santé ! C’est inefficace, dangereux (cela développe l’antibiorésistance des bactéries, les rendant encore plus redoutables) et interdit.

Enfin, même après le traitement contre la rhodococcose, certains poulains gardent des séquelles.

Les facteurs à risques et mesures préventives

Les facteurs à risques

Plusieurs études ont été menées en France afin de déterminer les facteurs qui contribuent à la contamination à Rhodococcus equi dont la plus importante, réalisée par l’ANSES. Si vous n’avez pas le temps ou le courage d’affronter le lien dans les sources de cet article, voici ce qu’il faut en retenir :

  • Les élevages déjà touchés par la rhodococcose ont plus de risque de voir revenir la maladie les années suivantes.
  • Sans surprise, les pâtures sèches, arides et/ou poussiéreuses, avec peu d’herbes et les boxes sales et en courant d’air, présentent un risque plus élevé de contamination. Et pour cause, la bactérie peut y proliférer à sa guise.
  • Dans les situations à risque comme celles dépeintes ci-dessus, il est recommandé de faire des prélèvements de poussières afin de vérifier la présence (ou non) de la bactérie. Pour ce faire, 3 échantillons sur 4 sites différents (écurie, lieux de passage, barrières, paddocks) sont nécessaires.
  • Enfin, à la lecture des résultats du laboratoire, si vous voyez qu’un grand nombre de bactéries est présent (plus de 10 000 germes au gramme), qu’il y a une souche de bactérie pathogène et/ou qu’une souche est résistante aux antibiotiques, le risque de rhodococcose est à prendre au sérieux et des mesures préventives doivent être prises au plus vite.

Les mesures préventives

Éviter la rhodococcose dans vos écuries, c’est possible, mais il faut agir sur tous les fronts.

Du côté des juments, il est recommandé de :

  • Privilégier les naissances précoces dans la saison afin d’éviter que les poulains âgés de 1 à 3 mois soient nombreux pendant les périodes de grande chaleur (= les périodes les plus à risque).
  • Isoler les poulinières prêtes à mettre bas des autres animaux.
  • Séparer les juments suitées des autres et former de petits groupes afin d’identifier les juments porteuses saines pour une meilleure surveillance les années suivantes.
  • Éviter d’introduire dans votre structure une jument dont le poulain est suspect ou malade (ou les placer en quarantaine le cas échéant).
  • Limiter le nombre de poulinières de passage à 20 maximum.

Bon à savoir : si vous avez déjà été confronté à la rhodococcose dans vos écuries ou si les prélèvements effectués sont inquiétants, parlez-en à votre vétérinaire. Un autovaccin pourrait être approprié.

Concernant les poulains, il est entendu que la vigilance est de mise durant les 3 premiers mois de vie. Cela va passer par la surveillance de :

  • l’état général ;
  • du comportement ;
  • la fréquence respiratoire ;
  • la température.

Des échographies pulmonaires de prévention peuvent être programmées pour plus de sécurité.

Si un petit équidé commence à développer des symptômes généraux (fièvre, respiration accélérée même sans toux, etc.), il faut réagir promptement et :

  • Isoler le poulain des poulinières et des juments suitées.
  • Appliquer des mesures d’hygiène et de prévention des contaminations en se lavant et se désinfectant les mains après s’être occupé du malade, en portant une blouse spécialement prévue pour ses soins et en passant en premier par le box du poulain suspect ou malade AVANT d’aller vers les autres équidés.
  • Contacter le vétérinaire au moindre doute (et par extension, l’assurance pour votre poulain).

Terminons par les écuries, les box et les paddocks. L’environnement joue un rôle prépondérant dans le développement et la diffusion de la rhodococcose du poulain. Aussi faut-il veiller à ce que vos écuries soient propres et bien ventilées.

Cela passe bien évidemment par un nettoyage des box minimum 2 fois par jour (matin et soir), un lavage complet (on vide totalement la litière du box) 1 fois par semaine et une désinfection tous les 15 jours avec un désinfectant à base de phénol. Toutes les surfaces de votre structure doivent faire l’objet d’un récurage poussé : des locaux où est entreposée la nourriture aux aires de pansage, en passant par les véhicules et même le matériel.

Les paddocks, quant à eux, doivent être immaculés (autant que faire se peut). Pour éviter qu’ils ne soient trop secs (et donc plein de poussière), arrosez-les et changez régulièrement de place les abreuvoirs et mangeoires pour ne pas vous retrouver avec des endroits piétinés et sans herbe. Enfin, réservez vos plus beaux paddocks fertiles aux juments suitées.