Comprendre le syndrome naviculaire chez le cheval

Bon pour la retraite… C’est souvent ce qu’entendent les propriétaires de chevaux souffrant du syndrome naviculaire et dont l’annonce du diagnostic est un véritable choc. Parce que derrière une « simple » boiterie peut en réalité se cacher cette inflammation quasi incurable de l’appareil podotrochléaire, la partie à l’arrière du sabot. Dans cet article, nous revenons à l’essentiel sans laisser place au pessimisme des « bruits de couloirs » des écuries : qu’est-ce que la maladie naviculaire chez le cheval et quels sont les signes à repérer ? Quels sont les facteurs de risque ainsi que les causes de cette terrible maladie ? Comment s’établit le diagnostic et quels sont les traitements envisageables pour diminuer les symptômes ? Parce que syndrome naviculaire n’est pas forcément synonyme de fin prématurée d’un cheval !

Qu’est-ce que le syndrome naviculaire ?

Le syndrome podotrochléaire, plus souvent appelé syndrome naviculaire, est une maladie crainte par tout propriétaire. Et pour cause, la boiterie quasi incurable qu’il provoque entraîne généralement un arrêt anticipé de la carrière du cheval. Adieu donc séance d’obstacles, voire dressage ou même balade !

Plus concrètement, le syndrome naviculaire désigne un ensemble de lésions douloureuses affectant l’appareil podotrochléaire, c’est-à-dire les éléments localisés à l’arrière du sabot, autour de l’os naviculaire, qui se trouve entre la 2e et la 3e phalange du pied. Plusieurs facteurs peuvent causer ce souci, nous les détaillerons un peu plus loin dans l’article.

Enfin, bien que des traitements puissent être envisagés selon la partie touchée, ils requièrent souvent une attention continue au cheval pour le reste de sa vie.

Symptômes et signes du syndrome naviculaire

Bien que divers facteurs puissent être à l’origine de la maladie naviculaire, les symptômes demeurent similaires, car ils résultent tous d’une douleur localisée au niveau de l’appareil podotrochléaire.

En pratique, la pathologie se manifeste habituellement chez les chevaux entre 5 et 10 ans et se caractérise par une boiterie initiale qui s’intensifie lentement au fil des mois ou des années, alternant entre périodes d’amélioration et de détérioration. Parfois, la maladie peut se déclarer soudainement avec des crises aigües.

Au niveau de l’allure, on remarquera une boiterie au niveau d’un ou des deux membres antérieurs. Celle-ci devient d’ailleurs évidente lors d’efforts sur des sols durs, de mouvements circulaires serrés à main correspondante, et, en particulier, en début de séance, quand le cheval est « froid », puis le lendemain d’une séance intensive. Lorsque l’équidé trotte ou même marche, on peut noter un raccourcissement notable de la phase de propulsion de la démarche. Et pour cause, la douleur atteint son paroxysme quand le pied est en hyperextension (c’est à ce moment-là que la pression sur l’appareil podotrochléaire est la plus forte). On verra alors un cheval qui a tendance à marcher « court » et préférer les virages et courbes larges au travail serré.

Les sabots eux-mêmes présentent des particularités. Ainsi, les talons peuvent être plus ou moins fuyants, c’est-à-dire inclinés vers l’avant, bien que cela ne soit pas systématique. En revanche, quand un seul pied est touché, il est fréquent d’observer une forte asymétrie entre les deux sabots. En effet, le pied douloureux, moins sollicité, finit par s’atrophier, devenant plus étroit, plus vertical et plus haut.

Enfin, dans les phases avancées de la maladie, le cheval cherche à soulager la douleur en avançant le membre affecté plus que la normale.

Causes et facteurs de risque

Il existe certains facteurs qui semblent prédisposer les chevaux au syndrome podotrochléaire :

  • la race (les chevaux de sport, notamment les chevaux de selle et les quarter-horses, sont fréquemment affectés) ;
  • la forme des pieds (surtout ceux avec une pince longue et des talons naturellement inclinés vers l’avant) ;
  • une alimentation excessive durant la croissance ;
  • un travail trop intense en fin de croissance ;
  • une possible hérédité de la maladie.

Quant aux origines du syndrome naviculaires, elles sont diverses et grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), les principales causes ont été mises en exergue :

  • Atteintes de l’os naviculaire avec la présence de kystes, de sclérose, d’ostéophytes (signes d’arthropathie).
  • Inflammation de la bourse naviculaire souvent consécutive à d’autres lésions primaires.
  • Tendinite du tendon fléchisseur profond dans le pied, exacerbée par un travail sur des sols meubles et des ferrures mal adaptées.
  • Desmite ou lésion du ligament sésamoïdien distal (une inflammation ou une déchirure du ligament situé à l’arrière du pied).

Enfin, il existe aussi des facteurs favorisants le syndrome podotrochléaire :

  • La nature du sol : un sol trop dur ou trop meuble peut être préjudiciable pour votre compagnon à quatre pattes. Pensez donc à ne pas toujours travailler sur les mêmes surfaces.
  • La ferrure : une pince trop longue augmente la tension sur le tendon fléchisseur profond, particulièrement lors du saut, ce qui accroît le risque de tendinite. Un bon maréchal-ferrant, il n’y a pas d’autre secret !
  • Le travail à l’obstacle excessif : trop de réceptions soumettent l’appareil podotrochléaire à de fortes pressions. Prévoyez donc des séances variées !

À l’heure actuelle, des recherches continuent d’être menées pour mieux comprendre les causes de cette affection et développer des traitements efficaces.

Diagnostic de la maladie naviculaire

Pour diagnostiquer le syndrome podotrochléaire, le vétérinaire procède en deux phases : d’abord, un examen orthopédique pour identifier l’emplacement de la boiterie, ensuite, des techniques d’imagerie pour en déterminer la cause.

Tout d’abord, commençons par l’examen orthopédique. Voici les tests mécaniques les plus souvent utilisés par les professionnels :

  • Le test de la pince : l’objectif est de repérer les zones sensibles du pied grâce à une pince spéciale. Si le cheval retire son pied sous l’effet de la pression, le test est considéré comme positif, ce qui est courant au niveau des talons dans le cas du syndrome naviculaire.
  • Le test de la planche : on place le pied du cheval à l’extrémité d’une planche, tandis qu’une personne tierce est invitée à soulever l’autre membre. Une autre personne incline ladite planche progressivement jusqu’à environ 40°. Si le cheval tente de descendre de la planche à cause de la douleur, le test est positif. C’est souvent le cas pour les équidés souffrant de syndrome podotrochléaire.
  • Les flexions distales : le vétérinaire va mettre en flexion l’articulation pendant 45 à 60 secondes avant de vous demander de faire trotter votre cheval. Si la boiterie s’intensifie après ladite flexion, c’est positif. Ce résultat est fréquent chez les chevaux souffrant du syndrome naviculaire.
  • L’anesthésie digitale distale : il s’agit d’une simple anesthésie locale du pied suivie d’un trot pour situer précisément la boiterie. Cette anesthésie supprime la boiterie dans 80 % à 90 % des cas lorsque le cheval souffre de maladie naviculaire.

Passons à présent à la seconde phase du diagnostic avec les techniques d’imagerie. La radiographie est souvent le moyen privilégié par les vétérinaires pour son coût moindre et sa facilité d’utilisation.

Bon à savoir : il est possible que votre vétérinaire vous demande de faire retirer les fers afin d’obtenir les meilleures images du pied.

Les radiographies sont prises sous différents angles pour examiner l’os naviculaire et l’articulation interphalangienne et peuvent révéler diverses anomalies :

  • Au niveau ligamentaire : présence de petits fragments osseux à l’endroit où les ligaments s’attachent à l’os naviculaire.
  • Au niveau articulaire : des zones de transparence sur le bord de l’os.
  • Au niveau osseux : des variations marquées de la densité osseuse.
  • Au niveau tendineux : des lésions sur la surface osseuse en contact avec le tendon fléchisseur profond.

À noter : l’absence d’anomalies à la radiographie ne veut pas forcément dire que l’os n’est pas la source de la douleur !

Pour un diagnostic encore plus précis, notamment pour les lésions au niveau du tendon fléchisseur profond ou de la bourse naviculaire, l’échographie peut être utilisée.

Récemment, l’IRM s’est imposée comme LA méthode de diagnostic la plus fiable, offrant une visualisation détaillée des tissus mous et des os du pied. Mais son prix rebute bon nombre de propriétaires…

Traiter le syndrome naviculaire

Repos et médication

La première étape du traitement consiste à mettre votre cheval au repos strict pour atténuer l’inflammation. Si vous aviez opté pour un hébergement en pré, un confinement en box de quelques semaines peut être nécessaire (surtout en cas de tendinite). Le vétérinaire peut également prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Bon à savoir : certains vétérinaires préconisent aussi les injections de corticostéroïdes directement dans l’articulation pour diminuer l’inflammation et apaiser la douleur.

Enfin, l’administration d’acide tiludronique peut être utilisée pour combattre la résorption osseuse et les modifications de la structure du pied.

Dans tous les cas, ne faites aucune automédication et suivez au pied de la lettre les instructions de votre vétérinaire.

Infiltrations, chirurgie, et thérapies alternatives

Dans certains cas, il est possible de procéder à une infiltration ciblée pour réduire l’inflammation de l’appareil podotrochléaire ou de l’articulation interphalangienne distale. Les résultats étant variables, mieux vaut suivre les conseils du vétérinaire.

Du côté des remèdes naturels, nous pouvons citer l’harpagophytum ou la reine des prés, reconnus pour leurs propriétés anti-inflammatoires, qui peuvent être administrés en cure régulière. Pensez simplement à le signaler à votre vétérinaire pour éviter toute interaction médicamenteuse.

Des méthodes telles que la kinésithérapie, la physiothérapie et d’autres thérapies complémentaires peuvent également être utilisées pour améliorer la mobilité, renforcer la musculature et soutenir la guérison du cheval… Même si, encore une fois, leur efficacité reste à prouver !

En dernier recours vers la guérison, une névrectomie (= la section du nerf de l’arrière du pied) peut être envisagée. Cette opération chirurgicale est particulièrement controversée, car elle peut masquer d’autres affections graves et retarder leur traitement. Résultat : elle est rarement pratiquée en France, interdite en concours et pour les courses hippiques, mais reste plus courante dans d’autres pays.

Enfin, la maréchalerie joue un rôle crucial dans le traitement du syndrome naviculaire chez le cheval. Une ferrure en œuf (= egg bar shoes) est souvent utilisée pour alléger la pression sur l’appareil podotrochléaire, mais d’autres types de ferrure orthopédiques peuvent être choisis : natural balance shoe, fer à oignon ou à l’envers, etc. Suivez les préconisations de votre vétérinaire et prenez rendez-vous avec un maréchal-ferrant réputé pour son sérieux !

Quid de la période de convalescence ?

Après une période de repos, votre cheval va entrer dans une phase de récupération dont la durée dépend de l’individu et de la nature de sa boiterie : c’est la période de convalescence. Pendant ces quelques semaines, il va falloir y aller doucement avec votre compagnon. N’hésitez pas à demander à votre vétérinaire d’établir un programme de réhabilitation personnalisé.

Avec le temps et selon la progression de votre cheval, les sessions d’entraînement vont être graduellement prolongées jusqu’à reprendre une routine normale sur terrain plat. Dans tous les cas, veillez à éviter au maximum les virages serrés. Quant à l’obstacle, tout dépend de l’état de santé de votre fidèle destrier : il peut être déconseillé à vie dans les cas les plus sérieux…

Enfin, le type de sol sur lequel le cheval s’entraîne est crucial : un sol trop dur peut aggraver les problèmes articulaires en augmentant l’impact, tandis qu’un sol trop mou peut provoquer des tendinites.

Bon à savoir : il est également important de veiller à ce que les ferrures ne soient pas trop espacées afin de limiter la longueur de la pince.

Conseils pour la prévention du syndrome naviculaire

Une bonne hygiène de vie et un environnement adapté sont essentiels pour prévenir le syndrome naviculaire chez le cheval. Si vous suspectez une prédisposition à ce syndrome, quelques mesures simples peuvent être bénéfiques :

  • un ferrage (ou une parure) ajusté à l’anatomie des pieds de votre cheval et surtout, régulier ;
  • une alimentation équilibrée avec apport en calcium et phosphore, et pourquoi pas, des compléments alimentaires pour contribuer à la solidité osseuse ;
  • de l’exercice régulier et avec modération, en adaptant l’activité à l’âge et à la condition physique de votre cheval ;
  • un travail adapté avec peu de sauts, un bon échauffement avant toute séance intensive et sur un sol souple et élastique.

La prévention et la reconnaissance rapide des signes du syndrome sont les meilleures stratégies pour protéger votre cheval. Alors, n’hésitez pas à organiser des visites vétérinaires régulières pour détecter et traiter tout problème dès ses débuts.

Références :

  • Site de la Clinique Vétérinaire de l’Aérodrome – La maladie naviculaire
  • IFCE – Equipedia Le syndrome naviculaire par Marie DELERUE publié le 01/04/2016
  • Thèse Approche factuelle des traitements du syndrome podotrochléaire des équidés par Jeanne DE GUIO de VETAGRO SUP (Campus vétérinaire de Lyon) — 2017