Terrible et mortel. Le tétanos équin est un véritable fléau. En cause ? Le Clostridium tetani, une bactérie produisant des neurotoxines qui attaquent le système nerveux. Les muscles se paralysent progressivement, jusqu’à l’issue fatale. Des signes cliniques à repérer au traitement possible, en passant par la vaccination et les chances de survie… dans cet article informatif, nous vous expliquons tout ce que vous avez à savoir sur cette maladie neurologique si dangereuse pour les chevaux. Parce que la prévention grâce à la connaissance peut éviter bien des drames.
Qu’est-ce que le tétanos chez le cheval ?
Le tétanos est une maladie neurologique qui affecte tous les mammifères… et qui fait des ravages chez les chevaux, particulièrement sensibles à la bactérie responsable. Son petit nom ? Le Clostridium tetani.
Très résistant, cet organisme microscopique anaérobie (= qui se développe sans avoir besoin d’oxygène) peut survivre à des températures les plus extrêmes : plus de 2 heures à 90 °C et une quinzaine de minutes à 140 °C. Mais ce qu’il préfère, ce sont les environnements chauds et humides où il prolifère avec plaisir… D’où son appétence naturelle pour les plaies profondes et « biscornues ». Le Clostridium tetani n’a peur de rien : ni du temps qui passe (il peut patienter plus de 30 ans dans certains milieux favorables comme la terre) ni des désinfectants et antibiotiques. Inébranlable et mortel.
Car oui, ce que préfère Clostridium tetani, c’est sécréter des neurotoxines. Comme leur nom l’indique, toutes attaquent le système nerveux et bloquent les mécanismes qui limitent les signaux nerveux. Cela entraîne des réactions nerveuses et musculaires intenses et exagérées, provoquant spasmes et convulsions. Certaines se spécialisent dans la nécrose des tissus et d’autres enfin paralysent, lentement, mais sûrement, tous les nerfs du malade.
Comment se transmet le tétanos équin et quels sont les facteurs de risque ?
Le tétanos équin peut prendre différentes formes selon la manière dont la bactérie a été transmise :
- le tétanos accidentel : après une plaie ou une piqûre par un corps étranger (un coup de fourche accidentelle par exemple) ;
- le tétanos post-chirurgical : après une opération ;
- le tétanos post-obstétrical : après le poulinage ;
- le tétanos ombilical du poulain : également appelé tétanos néonatal, qui se concentre dans le nombril du nouveau-né.
Nous l’avons vu précédemment : le Clostridium tetani raffole de la chaleur, de l’obscurité et de l’humidité. Quoi de mieux donc qu’une plaie profonde pour se développer et proliférer ? Les neurotoxines n’ont ensuite plus qu’à utiliser le système sanguin pour migrer vers les nerfs.
Bon à savoir : le tétanos n’est pas contagieux. En effet, il ne peut pas se transmettre directement d’un cheval malade à un autre. En revanche, les spores de Clostridium tetani peuvent élire domicile dans le système digestif de l’équidé (ou « tractus gastro-intestinal » pour nos amis québécois) sans pour autant provoquer d’infection chez son porteur pendant plusieurs semaines, voire mois. En revanche, ses crottins sont, eux, contagieux. Ainsi, si un cheval a un ulcère au niveau de l’estomac ou des intestins et ingère la bactérie via des excréments, il peut développer le tétanos. Prudence donc si votre compagnon fait face à ce genre d’inflammation !
Quels sont les symptômes du tétanos chez le cheval ?
La période d’incubation, c’est-à-dire le délai entre le moment de la contamination et l’apparition des premiers symptômes, dure une grosse semaine (entre 8 et 10 jours). Viennent ensuite les premiers signes cliniques qui doivent impérativement vous alerter : le cheval est raide, se déplace comme avec des béquilles en un bloc au lieu d’avoir des allures rythmées. Tourner et reculer lui semblent difficile. Et surtout, il sue de manière exagérée.
Les symptômes du tétanos s’accentuent au fur et à mesure que les neurotoxines se développent. On remarque alors une rigidité musculaire généralisée :
- Les membres s’écartent anormalement.
- La tête est tenue haute.
- La queue est légèrement relevée, dans le prolongement de la colonne vertébrale.
- Les oreilles sont dressées vers l’arrière, presque à se toucher au-dessus de la tête.
- Les naseaux sont constamment dilatés.
Autre point qui doit vous alerter : il n’y a aucune période de calme, de rémission. Au contraire, dès qu’il y a stimulation (tactile, visuel ou auditif), le cheval devient encore plus anxieux et les contractures s’aggravent.
En parallèle, le cheval atteint peut avoir du mal à s’alimenter, car il arrive de moins en moins à mastiquer et à déglutir. Il n’est pas rare d’observer des écoulements de salive de sa bouche. Certains individus présentent aussi des coliques et peuvent avoir des difficultés à uriner ou déféquer (la position est trop dure à maintenir musculairement parlant pour eux).
La maladie s’aggrave avec des signes caractéristiques : les yeux sont enfoncés dans leur orbite, avec procidence de la 3e paupière qui recouvre l’œil. Le cheval peut présenter une posture « en cheval de bois » avec des difficultés de déplacement impressionnantes et des chutes.
En phase terminale, les muscles de la cage thoracique sont atteints. L’équidé ne peut plus respirer et décède. Suivant la forme de la maladie, la mort survient en 1 à 3 semaines… ou en quelques jours pour la forme aigüe.
Bon à savoir : votre cheval a été récemment blessé et semble raide ? Appelez votre vétérinaire par précaution ! N’oubliez pas également qu’une plaie même minime peut provoquer le tétanos si elle est profonde…
Comment diagnostiquer le tétanos du cheval ?
Les vétérinaires n’ont généralement pas de difficulté à diagnostiquer le tétanos équin : les signes cliniques sont relativement significatifs et la présence d’une plaie valide le tout. En cas d’incertitude, il est possible de faire une prise de sang pour rechercher la toxine tétanique.
D’autres troubles neuromusculaires peuvent semer le doute dans le cadre du diagnostic du tétanos chez le cheval. On pense notamment à la maladie de West Nile, les rhabdomyolyses ou même un traumatisme musculaire. Et pour cause, une fourbure, une myopathie, un trauma crânien ou une intoxication à l’if peuvent aussi provoquer des raideurs musculaires. Idem, la procidence de la 3e paupière apparait également dans d’autres maladies comme l’hypocalcémie ou l’hyperkaliémie paralysante du Quarter Horse. Du côté des troubles de la déglutition, il faudra aussi différencier le tétanos d’un « simple » trauma de la mandibule ou d’un abcès dentaire.
Mais généralement, les vétérinaires les éliminent sans souci : la combinaison de signes cliniques spécifiques à la maladie ainsi que la présence d’une plaie donnent raison au Clostridium tetani et ses neurotoxines.
Quels sont les traitements disponibles pour un cheval atteint de tétanos ?
Le tétanos est une terrible maladie pour les équidés. Les chances de survie sont plutôt faibles : de l’ordre de 20 % à 60 % suivant le stade. Le traitement contre le tétanos a plusieurs objectifs : éliminer Clostridium tetani, neutraliser les neurotoxines présentes dans l’organisme, calmer les troubles neuromusculaires et assurer le nursing.
Administration d’antitoxine et antibiothérapie
L’injection d’antitoxine en grandes quantités dans la zone entourant le cerveau et la moelle épinière est très courante afin de booster le nombre d’anticorps anti-neurotoxines et d’améliorer, par extension, le pronostic vital.
Bon à savoir : ces antitoxines ne s’attaquent qu’aux neurotoxines présentes dans le sang. Elles ne peuvent rien contre celles qui sont déjà fixées au système neuromusculaire (c’est-à-dire qui ont déjà attaqué et fait des dégâts). C’est pourquoi les résultats sont très variables : si le diagnostic a été posé rapidement et le protocole de soin mis en place aussi vite, aux premiers stades du tétanos, il est possible de voir une nette amélioration des chances de survie. À l’inverse, si certains symptômes graves (procidence de la 3e paupière, position « cheval de bois ») sont déjà présents, l’issue est plus sombre malgré l’administration de ces antitoxines.
En parallèle, le vétérinaire s’attèlera à éliminer la bactérie responsable de tous ces maux par le biais d’antibiotiques. Pendant longtemps, c’est la benzylpénicilline qui était prescrite, mais les recommandations ont récemment évolué dans le milieu. À présent, c’est le métronidazole qui est préconisé. Il s’agit aussi d’un antibiotique.
Bon à savoir : si une blessure suspecte est présente, le vétérinaire va la traiter en priorité en la désinfectant et en injectant du sérum antitétanique.
Gestion des spasmes musculaires et de la douleur
Afin de réduire les spasmes musculaires, les vétérinaires peuvent se servir de tranquillisants à base de phénothiazine. Ceux-ci permettent au cheval de rester debout, mais détendent les muscles squelettiques. Leurs effets ont été prouvés sur les spasmes légers à modérés. En revanche, pour les crises plus sévères, ils seront inefficaces et un traitement avec d’autres molécules comme le diazépam est préféré. Dans les cas les plus graves, si le malade a du mal à rester debout, une écharpe peut être utilisée pour l’aider.
Si votre cheval ne parvient plus à se nourrir correctement, une fluidothérapie (perfusion et/ou sondage naso-gastrique) peut lui apporter un vrai soulagement.
En cas de difficultés respiratoires, un support ventilatoire peut devenir nécessaire en dernier recours.
Enfin, il est important pour limiter les effets de la neurotoxine de mettre votre cheval au calme absolu, dans un box sans lumière, loin des stimulations. S’il est encore capable de mastiquer et de déglutir, la nourriture et l’eau devront être placées à une hauteur confortablement pour lui (il ne doit pas avoir besoin de lever ou baisser la tête). Des sédatifs et des antidouleurs sont bien évidemment administrés en plus des tranquillisants.
Comment protéger mon cheval contre le tétanos par la vaccination ?
Même si la vaccination contre le tétanos équin n’est pas obligatoire, il n’existe rien de mieux à l’heure actuelle pour protéger votre compagnon à quatre pattes. Son efficacité a été prouvée et c’est pourquoi il est fortement recommandé de vacciner tous les chevaux à partir de 3 mois.
Protocole vaccinal pour les chevaux adultes
Le vaccin contre le tétanos chez les chevaux adultes se fait en plusieurs injections. La primovaccination (= la première vaccination contre la maladie) se déroule en 2 temps avec 2 injections à un mois d’intervalle. Le cheval est protégé une dizaine de jours après la seconde injection.
Les rappels sont ensuite à faire scrupuleusement tous les 1 à 3 ans selon le type de vaccin.
Bon à savoir : votre cheval s’est blessé, mais ne présente pas de symptômes du tétanos ? Par précaution, vous pouvez demander à votre vétérinaire de faire un rappel supplémentaire. Et en cas d’intervention chirurgicale, pensez à vérifier que votre compagnon a bien reçu un rappel dans les 6 derniers mois pour booster son immunité et prévenir tout risque.
Vaccination des poulains et des juments gestantes
Chez les poulinières, il est possible de programmer un rappel pendant le dernier mois de gestation afin que les anticorps puissent être transmis au poulain dès sa naissance via le colostrum (le premier lait, très épais, qu’il va téter).
Chez les poulains, il faut attendre les 3 mois de vie pour vacciner contre le tétanos.
Quelles sont les chances de guérison d’un cheval atteint de tétanos ?
Nous vous avions annoncé la couleur un peu plus haut dans cet article. Le pronostic vital d’un cheval atteint de tétanos reste sombre, même avec la mise en place d’un traitement. Les chances de survie varient entre 20 % (!) et 60 % suivant l’état de santé général et le statut vaccinal de l’animal, ainsi que le stade de la maladie.
Bon à savoir : les chevaux en sous-poids, les poulains et les chevaux âgés de plus de 20 ans sont plus fragiles face au terrible Clostridium tetani. À l’inverse, les équidés qui parviennent à rester debout pendant les 7 à 10 premiers jours de la maladie ont plus de chance de survivre. Et la guérison est longue : jusqu’à 6 semaines.
Il est donc primordial de prévenir plutôt que de (tenter de) guérir.
Sources :
Fiche Tétanos du RESPE (Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine)
La Semaine Vétérinaire n° 1267 du 28/04/2007 « Le pronostic du tétanos est réservé »
« Tétanos chez le cheval : quand y penser et que faire ? » par AMORY Hélène Pôle Equin, Département des Sciences Cliniques des Animaux de Compagnie et des Équidés, Faculté de Médecine Vétérinaire, Université de Liège, Bat. B41, Sart Tilman, 4000 Liège, Belgique.