Plébiscité par les jardiniers, adoré des paysagistes, le laurier-rose (ou nerium oleander de son petit nom latin) est partout en France. Avec ses magnifiques fleurs aux couleurs éclatantes, il égaille les extérieurs, mais cette beauté végétale est vénéneuse et particulièrement dangereuse pour les équidés. Les toxines qu’elle contient, les hétérosides cardiotoxiques, entraînent des troubles cardiaques gravissimes dont l’issue est généralement fatale en quelques heures, voire quelques minutes après ingestion. Sans antidote, les seuls traitements proposés restent symptomatiques avec de faibles chances de survie. La vraie solution réside donc dans la prévention et le contrôle de l’environnement. Explications.
Reconnaître le laurier rose
Le nerium oleander, plus connu sous le nom de laurier-rose, est un arbuste très prisé dans nos contrées pour ses fleurs éclatantes qui embellissent les jardins et les parcs. Ces dernières, souvent odorantes, se reconnaissent à leur forme de trompette et leurs couleurs vibrantes allant du blanc pur au rouge intense, en passant par le rose tendre et le jaune lumineux.
Les feuilles du laurier-rose, en forme de lance effilée, mesurent entre 5 et 20 cm de long et arborent un vert vif et brillant sur le dessus et un vert pâle et mat dessous. Le motif de leurs nervures est distinctif, et ressemble (vaguement) à des arêtes d’un poisson.
Mais derrière cette magnifique plante se cache un véritable poison, aussi bien pour nos chevaux que pour d’autres mammifères (y compris l’Homme !).
Quelles sont les parties les plus toxiques de la plante ?
Si le laurier-rose présente un danger pour de nombreux mammifères, il est particulièrement nocif pour les équidés, qui sont extrêmement vulnérables à ses toxines, même en infimes quantités.
Ainsi, pour un cheval, une quantité minuscule représentant 0,005 % de son poids corporel peut être fatale. Cela signifie que seulement 25 grammes de la plante, soit environ une dizaine de feuilles, peuvent être mortels pour un cheval de 500 kg !
Bon à savoir : les toxines du laurier-rose peuvent contaminer le lait des juments allaitantes. Attention donc à la transmission chez les poulains !
Au rang des coupables : les hétérosides cardiotoxiques à action digitalique qui agissent comme des stimulants cardiaques, dont l’oléandrine qui, elle, provoque des perturbations cardiaques sévères. On les retrouve dans toute la plante : branches, fleurs, fruits… Mais la toxicité est maximale dans les feuilles. Le fait qu’elles soient amères et dures rend la plante fraîche peu attrayante pour nos compagnons à 4 pattes. Pourtant, cela n’en rend pas le risque d’empoisonnement moins élevé…
Comment les chevaux accèdent-ils au laurier rose ?
Sa prolifération dans toute la France rend le laurier-rose particulièrement dangereux. Dans les régions bénéficiant d’hivers cléments, et notamment dans le Sud, il est couramment planté en sol dans les espaces verts publics ou privés et orne ainsi haies, massifs et bosquets.
Dans les zones où les hivers sont plus rigoureux, on préfère cultiver le laurier-rose dans des pots ou des bacs sur les balcons et terrasses. Lors d’épisodes de froid, il n’y a plus qu’à les rentrer pour les protéger.
Pourtant, et bien qu’il ne soit pas naturellement présent dans les prairies, le nerium oleander reste une des principales causes d’empoissonnement chez les chevaux. L’explication ? La plante fraîche n’est peut-être pas attrayante pour eux (même si certains individus la grignotent par ennui ou par nécessité en cas de disette), mais elle peut se glisser, séchée, dans le foin ou contaminer l’eau d’un abreuvoir (via des débris éparpillés par le vent).
Bon à savoir : en raison de sa beauté et de sa facilité d’entretien, le laurier-rose est parfois utilisé comme décoration lors de compétitions équestres (le comble !). Prudence donc pendant vos concours.
Les symptômes d’une intoxication au laurier rose chez le cheval
Comme nous l’avons vu précédemment, chez les équidés, une très petite quantité de lauriers-roses peut être mortelle. Quelques dizaines de grammes de feuilles suffisent pour causer un décès soudain, parfois en quelques heures ou même quelques minutes après l’ingestion.
Nous n’allons pas passer par tergiverser : l’issue est souvent rapide et défavorable. Voici toutefois, les premiers signes qui doivent vous mettre la puce à l’oreille :
- baisse de la température corporelle ;
- transpiration excessive ;
- extrémités froides ;
- pupilles dilatées ;
- problèmes digestifs (diarrhée parfois hémorragique, coliques) ;
- difficultés respiratoires ;
- tremblements, voire convulsions ;
- tachycardie et/ou bradycardie (c’est-à-dire accélération et ralentissement du rythme cardiaque).
Bon à savoir : chez les juments gestantes, un empoisonnement au laurier-rose peut entraîner un avortement spontané.
Comment réagir si votre cheval a subi une intoxication au laurier rose ?
Une fois que les symptômes d’intoxication par le laurier-rose apparaissent chez le cheval, il est souvent trop tard pour intervenir efficacement. Pire, il n’existe aucun remède spécifique ou antidote connu à l’heure actuelle. Par conséquent, il s’agit d’une urgence vétérinaire qui exige une visite la plus rapide possible !
En attendant l’arrivée du vétérinaire, vous pouvez :
- Mesurer les signes vitaux de votre compagnon : fréquence cardiaque, respiration, température.
- Vérifier son hydratation avec le test du pli cutané : pincez doucement la peau et relâchez. Si elle se remet en place tout de suite, tout va bien.
- Observer les muqueuses buccales : elles doivent pâlir sous pression puis reprendre rapidement une couleur rose.
- Éviter de déplacer votre cheval : le mouvement accélère la diffusion des toxines dans son corps.
- Donner de l’eau, mais rien à manger.
Bon à savoir : si c’est possible, pensez à conserver un échantillon de la plante suspectée de l’intoxication (au cas où ça ne serait pas du laurier-rose, mais une autre plante vénéneuse).
Le vétérinaire mettra en place un traitement afin d’atténuer les symptômes et d’éliminer le poison : lavage gastrique, charbon actif, fluidothérapie, etc. Pour combattre les troubles cardiaques, une intraveineuse d’atropine peut être administrée, et en cas de tremblements ou de convulsions, c’est la xylazine ou la détomidine qui peuvent être utilisées (selon la balance bénéfices/risques, car ils entraînent des effets secondaires cardiovasculaires qui pourraient aggraver l’état de l’animal).
Bon à savoir : si le cheval survit, la récupération complète peut être longue et difficile.
Prévenir l’ingestion de laurier rose par les chevaux
S’il n’existe pas d’antidote contre l’intoxication au laurier-rose chez le cheval, il est crucial de faire un maximum de prévention pour éviter d’en arriver à cette situation hautement dramatique. Cela passe par un contrôle de l’environnement des installations équestres et des alentours (pensions, écuries, prés, paddocks, etc.), mais aussi par une vigilance constante de la part des propriétaires. Aucun arbuste, aucune partie de la plante ne doit être accessible aux équidés ! Pour cela, quelques règles à garder en tête :
- Éliminez toute présence de laurier-rose dans les zones fréquentées par les chevaux, notamment près des prairies, paddocks, points d’eau et zones de toilettage.
- Gérez correctement les déchets végétaux en collectant tous les débris et en les transportant à la déchetterie. Ne les faites jamais brûler, car les fumées sont aussi toxiques !
- Inspectez régulièrement les points d’eau et les abreuvoirs pour vous assurer qu’aucune feuille, qu’aucune branche, qu’aucune fleur n’y soit présente.
- Restez attentif lors de vos excursions en extérieur (balades, compétitions, etc.).