Gale d’été, ardeurs, cérons, dermatose estivale récidivante, rafle… Les noms pour désigner la dermite estivale ou dermatite estivale récidivante des équidés (DERE pour les intimes) sont nombreux aux quatre coins de la France. Mais avoir un « dermiteux » à la maison, ce n’est pas de tout repos pour les propriétaires. D’où vient cette affection de la peau qui frappe nos poilus pendant les beaux jours ? Comment soigner une dermatite chez un cheval ? Et avec quels produits ? Dans cet article, nous répondons à toutes ces questions et faisons un point détaillé sur cette maladie inflammatoire du derme qui met à rude épreuve nos nerfs et ceux de notre compagnon qui ne cesse de se gratter.
Qu’est ce que la dermite du cheval (DERE) ?
Commençons par le commencement. S’il fallait donner une définition de la dermite du cheval, ce serait la suivante. La dermatite estivale récidivante des équidés, abrégée en DERE, est une affection inflammatoire chronique et saisonnière de la peau. Pour faire clair, c’est une maladie qui touche le derme de votre compagnon à quatre pattes, qui revient épisodiquement à partir du printemps et jusqu’au milieu de l’automne, et ce, chaque année.
Sa cause ? Une hypersensibilité aux allergènes contenus dans la salive de certains insectes, notamment des moucherons culicoïdes (en particulier les espèces nebulosis et brevitarsis). Mais d’autres bestioles sont soupçonnées d’être responsables de l’apparition d’une DERE : moustiques, taons, stomoxes ou encore simulies (Simulium equidium).
Bon à savoir : il arrive que certains chevaux développent des symptômes de plus en plus prononcés au fur et à mesure que les années passent. L’organisme ne peut plus faire face à l’inflammation et le système immunitaire s’embrase.
Si une DERE est déjà difficile à gérer, ses complications le sont tout autant et font froid dans le dos. Et pour cause, le prurit est un terrain particulièrement réputé pour favoriser les surinfections, et notamment la pyodermite bactérienne secondaire (impliquant le terrible staphylocoque). C’est pour cette raison, qu’au-delà de soulager votre poilu de ces symptômes ô combien gênants, il est important de prendre de revers la maladie au plus tôt.
Les symptômes de la dermite estivale chez le cheval
Un cheval qui se gratte a-t-il forcément la DERE ? Non, et heureusement !
En réalité, avant de se gratter comme un forcené contre tout et n’importe quoi (du râtelier aux arbres, en passant par l’abri ou son humain préféré), tout cheval qui fait une réaction allergique aux culicoïdes commence par développer de petits boutons (ou papules) au niveau des piqûres. Ils sont quasiment impossibles à repérer, car dissimulés sous les crins à la base de la queue, de l’encolure ou plus rarement dans le toupet ou sous le ventre, le long de la ligne blanche. Et pour ne pas nous faciliter la tâche, ils disparaissent rapidement dès que le cheval se frotte.
Bon à savoir : suivant les espèces de culicoïdes, les piqûres ne seront pas au même endroit !
En revanche, ce que vous allez remarquer, c’est l’état de plus en plus désastreux des crins de votre fidèle destrier. Petit à petit, des croutes poignent, voire des plaies. Une perte de poils, qui n’a rien à voir avec la mue de saison, très localisée, peut aussi vous mettre la puce à l’oreille (sans mauvais jeu de mots).
Ce qui va vous permettre d’envisager le diagnostic avec votre vétérinaire, c’est surtout la périodicité : la dermite estivale chez le cheval apparait, comme son nom l’indique, au printemps. Les symptômes s’aggravent lentement, mais sûrement durant tout l’été avant de diminuer en automne et de disparaitre totalement en hiver. La maladie se manifeste ensuite tous les ans.
Bon à savoir : un cheval nerveux, agité, voire agressif, doit aussi vous interpeller. Et pour cause, les démangeaisons sont intenses et peuvent rendre « fou » n’importe quel animal. Idem pour un équidé qui perdrait du poids (ou qui aurait du mal à reprendre le poids perdu durant l’hiver s’il a décollé).
Les causes de la dermite estivale chez le cheval
Comme nous l’avons vu précédemment, les chevaux qui souffrent de dermatite estivale sont ceux qui développent une hypersensibilité à la salive de certains insectes volants et hématophages (c’est-à-dire qui se nourrissent de sang). Mais seulement 10 % des équidés en France en sont atteints selon l’IFCE. Alors comment peut-on expliquer cela ?
Avant toute chose, il est important de savoir que la dermite estivale semble être héréditaire : certains chevaux et poneys pourraient donc avoir des prédispositions génétiques à développer la maladie. Des études évaluent même un risque plus élevé si la mère en est porteuse, mais c’est un sujet encore à débat. À l’inverse, la DERE n’est pas contagieuse d’un animal à un autre, par conséquent, il est inutile d’isoler votre cheval et de le séparer de ses copains de pré !
Plusieurs études ont révélé que même si toutes les races peuvent être touchées, certaines sont plus sujettes à la dermatite estivale, comme les Islandais, les Shetlands, les Welshs, les Frisons, les Purs-Sangs arabes, les traits bretons, les Shires ou encore les Connemaras. Mais rassurez-vous, ce n’est pas une généralité !
Le facteur environnemental n’est pas non plus à prendre à la légère. Eh oui ! là où les culicoïdes s’épanouissent, les chevaux ont plus de risques de se faire piquer, et donc de réagir ! Ces petites bestioles batifolent en extérieur, dans les zones chaudes et sèches, sans vent et en basse altitude (en dessous de 800 m). Elles sortent au crépuscule, généralement à partir de 18 h, entre mars et novembre dès que le thermomètre affiche plus de 10 °C. Et s’il y a, à proximité des écuries ou de la pension, une mare, un étang, une fumière, ou n’importe quel point d’eau pour y pondre des œufs, c’est le jackpot !
Enfin, parmi les autres causes de la DERE, nous pouvons aussi citer :
- les antécédents allergiques et les affections respirations d’origine allergique (plus un équidé développe une sensibilité à certains allergènes, plus il a une prédisposition à la dermite) ;
- les régimes hauts en protéines ;
- le manque d’exercice ;
- la finesse de la peau.
Les diagnostics contre la dermite estivale
Spoiler alert : la dermite estivale chez le cheval ne se soigne pas. Mais pour offrir le plus de confort possible à votre compagnon et éviter les surinfections bactériennes, il est important de savoir à quoi nous avons affaire et écarter d’autres maladies (trombidioses, teigne, gale, pédiculose ou allergies environnementales).
Pour ce faire, vous vous en doutez, vous allez devoir passer par la case vétérinaire (d’où l’intérêt d’avoir une bonne assurance cheval !). Ce dernier va alors s’appuyer sur l’observation des symptômes, leur localisation, et bien évidemment, sur le caractère saisonnier de l’affection pour poser son diagnostic.
Il peut aussi vous proposer des examens complémentaires :
- biopsie cutanée (le but est de s’assurer que les lésions sont bel et bien d’origine allergique) ;
- test intra-dermoréaction cutanée (même si, à l’heure actuelle, ce type de test et ses résultats restent à prendre avec des pincettes — des chevaux sains pouvant faire réagir autant que des chevaux atteints de DERE) ;
- prélèvement sanguin (la DERE n’est pas visible dans le sang, il s’agit ici afin d’évaluer la potentielle sensibilité du cheval à d’autres allergènes comme les pollens ou les moisissures) ;
- examen au microscope (rarissime — il permet l’identification de parasites vivant à la surface du derme du cheval).
Prévenir et traiter la dermite estivale récidivante
S’il n’est pas possible de guérir un cheval de la DERE (les guérisons spontanées étant rarissimes et les résultats des traitements comme l’hyposensibilisation encore divergents), nous pouvons tout de même agir pour aider notre compagnon ! Au programme : soulager les démangeaisons, soigner les lésions et plaies, et limiter les attaques des culicoïdes et autres mouches piqueuses.
Traiter les démangeaisons
En premier lieu, il est important de bien nettoyer les éventuelles plaies déclenchées par les frottements intempestifs de notre cher dermiteux. Pour cela, pas de chichi : on applique généreusement un antiseptique classique (de type Bétadine par exemple), tout en douceur, car les lésions sont souvent douloureuses.
Puis, pour apaiser les démangeaisons, le vétérinaire va pouvoir nous proposer plusieurs solutions :
- un traitement d’attaque sous forme de corticoïdes pour les cas les plus graves (sur prescription uniquement — la dose devra ensuite rapidement être réduite à cause des effets secondaires indésirables graves comme l’immunosuppression ou la fourbure) ;
- un traitement à base d’antihistaminiques (chaque cheval réagit différemment et plus ou moins bien à la molécule et au dosage choisi).
Et c’est malheureusement tout !
Bon à savoir : un vaccin contre la dermatophytose pourrait atténuer les symptômes, mais les études en cours ne parviennent pas encore à le démontrer clairement. L’immunothérapie, quant à elle, donne des résultats contradictoires. Est-il donc bien nécessaire de s’engager dans de tels protocoles lourds et coûteux ?
Concernant les astuces naturelles pour soigner la dermite estivale, à l’heure actuelle, aucune n’a réellement fait ses preuves. Ainsi, l’efficacité d’une complémentation en acides gras essentiels (oméga 3 et 6) est toujours controversée. Il en est de même pour les complémentations à base d’acides aminés, d’huile de tournesol ou d’huile de poisson. Seule la graine de lin semble tirer son épingle du jeu et diminue effectivement l’inflammation chez les chevaux allergiques.
Côté lotions apaisantes et cicatrisantes, elles sont légion en magasins spécialisés, mais comme il ne s’agit pas de médicaments vétérinaires, leur efficacité reste mitigée. Enfin, les conseils en phytothérapie sont nombreux dans les écuries et les pensions (ainsi que sur les forums spécialisés). Parmi les plus connus, nous pouvons citer :
- le mélange macérât huileux de calendula et huile essentielle de lavande ;
- le gel aloe vera pur ;
- le mélange de vaseline, soufre sublimé et huile essentielle de tea tree.
Encore une fois, leur efficacité n’est pas prouvée, mais ces remèdes de grand-mère contre la dermatite estivale peuvent tout de même être tentés, en complément des autres mesures.
Traitement contre les insectes
Pour tenir en respect les mouches piqueuses et culicoïdes loin des chevaux, les répulsifs anti-insectes seront nos alliés… à condition de les appliquer plusieurs fois par jour dès que la température dépasse les 10 °C. Pas simple au niveau logistique, nous en convenons…
Bon à savoir : les lotions et sprays à base de pyréthrinoïdes sont plus puissants que les répulsifs à base de plantes ou d’huiles essentielles, et tiennent plus longtemps. L’émouchine est également d’une efficacité redoutable (mais à réserver aux chevaux à robe foncée, car, au-delà de son odeur désagréable, elle a l’inconvénient de tacher !).
Autre solution qui a fait ses preuves : les couvertures d’été intégrales (avec masque anti-insectes pour protéger les oreilles et le toupet) à imprégner de répulsif. Attention cependant à être vigilant : elle peut glisser, s’abîmer ou blesser le cheval quand il se gratte. Elles constituent aussi un environnement favorable aux infections secondaires puisqu’elles piègent l’humidité durant les mois les plus chauds.
Enfin, l’efficacité des huiles essentielles de citronnelle, d’eucalyptus, de géraniol ou de menthe, bien que de plus en plus populaire dans les écuries et les pensions, reste timide.
Prévenir les piqures
Prévenir vaut mieux que guérir face à cette maladie de peau qu’est la DERE. Dès le début du printemps, notre mission sera donc d’éviter les piqûres des culicoïdes. Et pour cela, il est recommandé de :
- rentrer le cheval au box avant le crépuscule ;
- installer des moustiquaires trempées préalablement dans de l’insecticide à l’entrée des écuries ;
- badigeonner les zones à risques (base de la queue, toupet, etc.) d’huile de vaseline, d’huile de camphre ou d’huile de foie de morue afin de créer une gêne mécanique (mais attention aux risques de brûlures durant l’été !) ;
- changer d’environnement (dans une pension loin des zones humides ou en altitude, par exemple) ;
- nettoyer le bac à eau régulièrement si vous gérez votre propre pré.
La dermite estivale chez le cheval est une vraie plaie et peut empoisonner le quotidien des propriétaires et de leur compagnon qui y sont confrontés. Si c’est votre cas, nous espérons que ces quelques conseils vous auront aidé à y voir plus clair sur ce qui fonctionne (ou non !). Et rassurez-vous, dès que vous parviendrez à protéger des piqûres votre petit dermiteux, les symptômes disparaitront en 3 semaines environ.
Sources :
G. FORTIER, F. GROSBOIS et L. MARNAY pour le RESPE (Réseau d’épidémio-surveillance en pathologie équine) – « Dermite Estivale »
Thèse VetAgroSup Campus Vétérinaire de Lyon de OTTEVAERE Marine – « Connaissances actuelles sur la dermatite estivale récidivante des équidés »
Thèse VetAgroSup Campus Vétérinaire de Lyon de MARQUENIE Ayla – « Particularités et actualités de la dermatite estivale récidivante chez le cheval islandais »